25/01/2017
Un article issu de “Le Ligueur des parents”
Des toilettes plus propres et plus accueillantes pour les écoliers ? Selon un récent sondage, 72 % des directeurs, enseignants et parents sont préoccupés par l’état déplorable des sanitaires dans les écoles. Baisse de concentration, problèmes urinaires, constipation : les conséquences néfastes sont multiples pour les enfants découragés qui se retiennent parfois toute une journée. Vous avez dit « beurk » ?
« Souvent, je fais demi-tour, c’est trop sale », dit Fleur, 9 ans. « Certains ne savent pas tirer la chasse ou alors ils font carrément à côté », ajoute sa copine Lola. La question serait presque taboue : quand on évoque l’école, on souhaiterait ne pas avoir à disserter sur l’état des lieux d’aisance, souvent dégoûtants, alors qu’il suffirait d’en parler franchement pour trouver des solutions. C’est ce que propose le Fonds BYX (promotion de la santé des jeunes), géré par la Fondation Roi Baudouin, qui a lancé un appel à projets aux écoles fondamentales de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour des sanitaires plus propres. Il est interpellant qu’au XXIe siècle, on en soit encore à rappeler que tout enfant a droit à la santé, l’intimité et la sécurité, qu’aller aux toilettes et s’hydrater sont des besoins de base à respecter.
Pourquoi ce retard ? « Parce que la perception et la représentation du corps n’ont pas encore été fondamentalement remises en question », martèle Sophie Liebman, une enseignante qui a consacré son mémoire de fin d’études à la question des sanitaires à l’école. Pour elle, la société occidentale en favorise une perception plutôt exaltée : le corps est idéalisé, représenté comme étant jeune, séduisant, sain et performant.
« Mais on passe sous silence ses fonctions fondamentales et l’école a suivi le mouvement. Très tôt, l’enfant perçoit que les mots ‘pipi’ et ‘ caca’ sont des ‘mots sales’, que l’on prononce en cachette ou pour provoquer. Il faut maîtriser son corps et ses pulsions, le dresser, privilégier l’esprit. Au XIXe siècle, les latrines ont été conçues afin d’encourager les élèves à y passer un minimum de temps, la préoccupation première étant d’empêcher les pratiques sexuelles qu’il fallait surveiller et contrôler. Il n’était pas question d’intimité ». Si les motivations ont changé, le passage par la case WC se fait toujours le plus rapidement possible pour la plupart des élèves interrogés.
Il faut dire que les toilettes sont un lieu où les enfants échappent à la surveillance des adultes, où ils peuvent transgresser, se révolter ou simplement s’extraire quelques minutes de la discipline. Graffitis, cuvettes bouchées, excrément étalés, matériel dégradé, parfois harcèlement : ne pas respecter les sanitaires, c’est aussi exprimer son désaccord face aux frustrations occasionnées par les apprentissages. Et les réponses ne sont souvent pas appropriées : soit on en rationne l’accès, soit on minimise le matériel qui pourrait être abîmé.
« Il est temps que cela change, explique Yves Dario, de la Fondation Roi Baudouin. Des fiches pédagogiques permettent à tous porteurs de projets, parents compris, de développer une action au sein des établissements. Le soutien n’est pas uniquement matériel, les aspects pédagogiques et logistiques sont aussi à prendre en compte. C’est bien d’avoir de belles toilettes, mais il faut les respecter, apprendre à les utiliser convenablement. Et que les rénovations soient entretenues, durables ».
Un exemple ? À l’école Saint-Joseph de Malone, près de Namur, deux mamans se sont mobilisées, lassées de constater que la situation ne s’améliorait pas. « Nos enfants se plaignaient, raconte Caroline, nous ne savions que faire. Et puis j’ai découvert cet appel à projet. Avec une autre maman, nous avons décidé d’interpeller la direction ». Tout s’est rapidement mis en branle avec l’implication du Conseil de participation composé de parents, d’enseignants et du pouvoir organisateur.
« Les classes ont dressé un état des lieux pour déterminer ce qui était à rénover : manque d’intimité, odeurs, agressivité, déchets au sol, absence de papier de toilette, de savon, éclairages défectueux, chauffage faible… Les enfants eux-mêmes ont exprimé leurs besoins et bien que le budget reçu soit limité (5 000 €), l’école va entamer bientôt les travaux nécessaires ». Bacs en alu, boutons poussoirs pour économiser l’eau, installation de sèche-mains automatiques, planches, urinoirs cloisonnés avec chasses d’eau. Si, c’est possible !
Aux Cliniques universitaires Saint-Luc, les médecins et les infirmières de la consultation d’urologie et de chirurgie digestive voient régulièrement des patients (jeunes et moins jeunes) se plaignant d’infections urinaires à répétition, de rétention, d’incontinence ou de constipation.
Selon Axel Feyaerts, pédiatre urologue, bon nombre de ces problèmes trouvent leur origine dans la petite enfance… à l’école. L’hygiène des sanitaires, le manque d’intimité, le manque de respect des consignes et, parfois, le fait de ne pas laisser sortir l’enfant de la classe quand il a un besoin pressant induit chez ces patients des comportements urinaires délétères. Le pli est vite pris : il suffit de ne pas boire, de se retenir toute la journée ! Ce sont de très mauvaises habitudes car la vessie se dilate et le muscle distendu n’arrive plus à se contracter pour se vider entièrement. Les résidus d’urine stagnants génèrent alors des infections.