19/03/2015
Article issu de “En Marche”
Le manque d’hygiène et d’intimité dans les toilettes scolaires, c’est un problème vieux comme l’école. Pas de savon, pas de papier, la file à la récré, et l’impression d’être sans cesse surveillé… Ce sont-là des éléments qui peuvent transformer la satisfaction de besoins naturels en petit parcours du combattant.
Alors que le monde évolue à toute vitesse, l’école semble avoir du mal à se détacher des modèles du 19e siècle et du 20e siècle. Et cela vaut aussi pour les toilettes. Tout enfant a droit à la santé, à l’intimité et à la sécurité”. Bernard Devos, le délégué général aux droits de l’enfant, résume, par ces quelques phrases dérangeantes, un sentiment partagé par de nombreux parents et acteurs du monde scolaire. Aujourd’hui, l’état des espaces sanitaires dans les établissements scolaires laisse tant à désirer qu’il faut parler de remise en question du respect de soi, des autres, du bien-être, du vivre ensemble. Et, sauter la case toilette, c’est parfois devoir faire face à d’éventuels difficultés de concentration et à des ennuis de santé. Aucune norme contraignante n’est prévue en ce qui concerne les infrastructures sanitaires des établissements scolaires. Il s’agit plutôt de recommandations d’usage qui préconisent 1 WC pour 20 filles ou 30 garçons et 1 urinoir pour 20 garçons. Au-delà de 500 élèves, ces chiffres peuvent être divisés par deux. Les plaintes reçues par les services de Bernard Devos à ce sujet sont nombreuses.
Comment expliquer, malgré les indéniables efforts des acteurs du monde scolaire, qu’une problématique qui est loin d’être neuve ne parvienne pas encore à être envisagée avec tout le sérieux qu’elle mérite ? Sophie Liebman est enseignante. Elle a consacré son mémoire de fin d’études à la question des sanitaires à l’école. Son hypothèse, c’est que notre société encourage une perception tronquée du corps. “Dans la publicité et dans les médias, on nous impose une image d’un corps sain, hygiénique, jeune. On nous montre et on nous parle beaucoup de ce corps, mais on passe sous silence ses fonctions fondamentales. L’école suit le mouvement. Très tôt, l’enfant perçoit que les mots ‘pipi’ et ‘ caca’ sont des ‘mots sales’, que l’on prononce en cachette ou pour provoquer. Il faut maîtriser son corps et ses pulsions, le dresser, privilégier l’esprit. L’école ne fait pas exception à la règle. Du coup, dès le 19e siècle, les latrines ont été conçues afin d’encourager les élèves à y passer un minimum de temps, et cette conception des toilettes n’a jamais été remise en question”.
À côté de leur rôle premier, les toilettes ont également une autre fonction. C’est un lieu où l’on se soulage. De sa hargne, de sa colère. Les toilettes sont le seul endroit dans l’établissement scolaire qui échappe au contrôle social. Si le manque d’entretien et de produits ne peut être incombé aux élèves, ce sont bien eux qui contribuent parfois à la dégradation des sanitaires. Lorsque les élèves se sentent bien à l’école, les toilettes feront moins l’objet de vandalisme. D’où l’importance, aussi, d’impliquer et de responsabiliser les enfants dans les projets de rénovation et de réhabilitation des sanitaires.
Le Fonds BYX est un Fonds privé géré par la Fondation Roi Baudouin. Son objectif ? Travailler à la promotion de la santé auprès des 0-18 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il porte une attention particulière aux projets qui s’adressent à des groupes défavorisés sur le plan socio-économique ou dont l’entourage familial est fragile. Il a choisi comme premier axe d’attention la promotion de la santé en relation avec les divers aspects de l’eau à l’école, à savoir les questions des sanitaires, de l’hygiène des mains, de l’accès à l’eau de distribution comme boisson et de l’hygiène dentaire. Dans ce cadre, il lance un appel à projets destiné à toutes les écoles du fondamental qui veulent réaliser un projet concret autour de l’amélioration des sanitaires. Le Fonds BYX financera, à hauteur de maximum 5.000 euros, toute initiative en lien avec l’amélioration des sanitaires et qui répondra aux critères définis (1). Un projet pilote a été mené à l’école Jean Rolland de Saint Ghislain. 10 classes et 180 élèves. Tous ont été impliqués dans la rénovation des toilettes. Pour la conception et la réalisation du projet, direction et enseignants ont été aidés par deux animatrices de l’ASBL Jeune et Citoyen. Les enfants ont été invités à faire un état des lieux de la situation, à pointer les éléments à modifier, à rencontrer les techniciennes de surfaces et les ouvriers responsables de la maintenance. Ils ont appris à faire des comptes-rendus de ces réunions, à se réjouir de leurs victoires et à analyser leurs défaites. Le projet a été intégré dans les cours de sciences, de mathématique, d’expression artistique. Les nouvelles toilettes seront inaugurées au printemps de cette année. Avec bonheur et fierté. Une réussite qui a été rendue possible car elle est basée sur un projet réaliste, où tous les acteurs de l’école ont été sensibilisés et impliqués.