Les toilettes sèches, une solution “dans l’air du temps”

16/11/2017
Article issu de “Le Soir”

 

Les toilettes dataient de Mathusalem“, se rappelle Bernadette Stevens, directrice de l’Institut SainteThérèse de l’Assomption à Boitsfort.

Voilà trois ans que la directrice a repris les rênes de l’établissement. L’école, construite dans une vieille bâtisse de campagne, avait une tuyauterie désuète. “L’écoulement était difficile : six mois après mon arrivée, nous avions déjà géré trois inondations de plus de six centimètres d’eau, jusque dans les classes. A un moment, il a bien fallu saisir le problème à la source“. Avec des installations à entièrement refaire, les travaux s’élevaient à plus de 15.000 euros. Une somme « impayable » pour l’école, précise la directrice. “Il a fallu trouver une autre solution“.

Quand j’ai lancé l’idée des toilettes sèches, ça a fait rire tout le monde. Puis Philippine Terlinden, institutrice maternelle à l’Institut, s’est impliquée à fond dans le projet avec moi“. Résultat : en septembre 2016, trois petits pots encastrés dans des box en bois ont été installés dans un coin de la classe de première maternelle. Des seaux glissés en dessous récupèrent les déjections sur lesquelles les enfants sont invités à jeter (abondamment) de la sciure à l’aide d’une pelle. L’idée va plus loin : une fois remplis, ces seaux sont vidés dans un compost qui sera versé sur les légumes cultivés dans le champ derrière l’école. Les bénéfices sont économiques d’abord, puisque ces toilettes sèches ont coûté 500 euros tout compris, écologiques ensuite : “Puisque ces toilettes ne sont raccordées à rien, on épargne les dix litres d’eau potables qui s’envolent à chaque chasse tirée… ” Avec de tels avantages, Bernadette Stevens voit dans les toilettes sèches une solution idéale pour les écoles : “Pour nous, c’est l’avenir ! Il suffit de les multiplier et de communiquer à ce sujet pour qu’elles soient démocratisées“.  Car si elles remportent tous les suffrages en festival ou en gîte nature, ” dans une école, l’enthousiasme n’est pas fou“, se désole la directrice.

L’équipe professorale est curieuse, tandis que les parents ne s’y intéressent pas : l’important étant que les enfants apprennent à se soulager comme des grands. ” Je n’avais jamais vu des toilettes comme ça ! “, lance la mère de Karim, petit de 2 ans et demi qui utilise quotidiennement ces toilettes. “Mais les enfants les aiment bien : ça les amuse de jouer avec la pelle et de penser aux légumes à la fin… Tant que ça leur apprend à se responsabiliser, ça me va “, conclut-elle. Le projet doit s’étendre aux sanitaires des plus grands : d’ici deux ans, les enfants de troisième maternelle auront aussi des toilettes sèches.

Deux étages plus haut que les premières, les élèves de 6 ans sont enthousiastes. Astrid et Julie trouvent ça pratique et s’enthousiasment pour le cercle vertueux que cela crée : “Après, on met tout dans le compost pour notre potager !” Rien ne se perd, tout se transforme : la maxime de Lavoisier met des étoiles dans les yeux d’enfants fascinés, ainsi sensibilisés à l’écologie. ” Notre caca redevient des légumes et super bons en plus ! “, lâche Ryan, avec grand sérieux mais le sourire aux lèvres. Une manière plutôt claire de résumer ce projet récompensé par le Prix du jury au “Bubble Festival “, qui distingue des projets « environnement » dans les écoles.

 

Et patati
Et patata

La question des toilettes n’est pas étrangère au mal-vivre dans nos écoles. Tous ces petits « manquements » à leur intégrité physique sont les premières violences que nous leur faisons subir.

Délégué général aux Droits de l’Enfant